Peut-on encore déménager malgré le confinement ?

Peut-on encore déménager malgré le confinement ?

Malgré les mesures de confinement, il est encore tout à fait possible de déménager. Un locataire déjà en place, qui aurait posé son préavis, peut aussi décider de rester chez lui plus longtemps que prévu.

Par Aubin Laratte, le 17 mars 2020 à 17h33, modifié le 20 mars 2020 à 13h37

Isabelle devait déménager à la fin du mois pour aller vivre au Maroc. En plus d’avoir vu son avion pour Casablanca annulé après la fermeture des frontières avec le royaume chérifien, cette consultante ne sait pas si son déménagement pourra être maintenu. « J’ai appelé mon agence, qui m’a dit qu’on allait voir le moment venu, fin mars, explique-t-elle. Mais je suis un peu dans l’incertitude… »

Amandine, elle, avait enfin trouvé un locataire pour le deux-pièces qu’elle loue à Malakoff (Hauts-de-Seine), mais avant d’emménager, son locataire est parti au Canada. Là encore, à cause de la fermeture des frontières du côté européen comme canadien, la jeune femme est pleine d’incertitude : « Pourra-t-il rentrer en France? Pourra-t-il déménager malgré le confinement? »

Alors, peut-on déménager? L’attestation, que chacun doit remplir avant de sortir de chez soi, ne mentionne pas cette possibilité. Contacté par Le Parisien, le service d’information sur le coronavirus explique que cela est cependant possible. « Il faut faire une attestation sur l’honneur expliquant que c’est un déménagement à telle date et à telle adresse », y explique-t-on.

Le ministère de l’Intérieur nous confirme l’information : « Les déménagements sont autorisés, mais doivent être limités aux besoins stricts. » Et l’institution de préciser : « Ils doivent être reportés chaque fois que nécessaire. » Il faudra aussi faire une croix sur les copains qui auraient pu aider à porter les cartons ou meubles, le gouvernement demandant de limiter les contacts à cinq personnes par jour.

On peut aussi… reporter son préavis

Pour les locataires déjà en place, qui avaient posé congé, ils peuvent rester après la date initialement fixée et doivent, dans ce cas, naturellement payer leur loyer. « Ces décisions de confinement sont des prérogatives de puissances publiques, explique Romain Rossi-Landi, avocat spécialiste des sujets d’immobilier. C’est-à-dire que le droit public l’emporte sur le droit privé. » Les mesures de restrictions, imposées par le gouvernement, sont donc plus fortes qu’un bail de location.

Du côté des agences immobilières, contraintes de fermer, on ne réalise pour la plupart plus d’état de lieux d’entrée ni de sortie. Certaines se sont adaptées, à l’image des cinq agences Guy Hoquet de Frédéric Teboul à Paris. « Nous avons mis en place un sas sécurisé, explique-t-il. Nous nous mettons d’accord avec le locataire avant. Un locataire qui partirait peut entrer dans l’agence, déposer ses clés dans une boîte, et en sortir, sans croiser aucun agent. Celui qui arriverait aurait juste à récupérer les clés sans, là encore, croiser une personne. » Dans ces cas-là, aucun état des lieux n’est signé.

Toujours est-il qu’il sera compliqué, dans la plupart des cas, de compter sur les entreprises de déménagement. « Nous avons recommandé à tous nos adhérents de fermer pour quinze jours au moins », explique Thierry Gros, le président de la Chambre syndicale du déménagement. Si légalement, ils peuvent continuer à travailler, « on ne veut pas envoyer nos gars au casse-pipe, continue le professionnel. On ne veut pas qu’ils prennent le risque d’être contaminés ni de contaminer nos clients. »

Dans ces conditions exceptionnelles, la trêve hivernale a été prolongée de deux mois, jusqu’au 31 mai 2020. C’est-à-dire qu’aucune expulsion de locataire ne peut être réalisée d’ici là. Du côté de la Confédération nationale du logement (CNL), on a officiellement demandé de suspendre les loyers et les remboursements des emprunts le temps de la crise. Si Emmanuel Macron a annoncé, lundi soir, la suspension des loyers et autres charges pour les entreprises les plus en difficultés, cela n’a pas encore été le cas pour les particuliers.

«Je dois payer deux loyers en même temps»

Son déménagement était prévu depuis des mois. Samy, ingénieur dans une filiale d’EDF, qui habite à Maisons-Laffitte (Yvelines), avait appris sa mutation à Lyon (Rhône), il y a six mois. Samedi, il a été dans la capitale des Gaules pour récupérer les clés de son nouvel appartement sans savoir que, deux jours après, il serait confiné. « Des déménageurs devaient s’occuper de mon déménagement, de mercredi à vendredi, mais à cause des mesures de confinement, ça a été annulé », déplore-t-il.

Les cartons étaient faits, les meubles démontés. « On est allés chez de la famille pour ne pas avoir à faire du camping avec ma femme et mon fiston », explique-t-il. Il continue, comme beaucoup de Français, son travail à distance. Mais s’inquiète : « J’ai récupéré les clés de mon appartement à Lyon, et j’ai toujours celles de mon appartement à Maisons-Laffitte. Je dois donc payer deux loyers en même temps… » Son employeur, qui lui avait organisé son déménagement avorté, pourrait lui payer l’un des deux.
Romain Rossi-Landi

Avocat au Barreau de Paris depuis 2003, titulaire d’un DESS de Droit Immobilier Public. De formation supérieure en droit immobilier, j'interviens dans les différentes spécialités du droit de l’immobilier et de la construction, comme de l’aménagement public, au profit de différents acteurs du secteur en particulier des offices et sociétés d’HLM, des sociétés d’économie mixte, des personnes publiques ou des syndics de copropriété. J’ai pu également développer progressivement ma clientèle personnelle auprès des particuliers et devenir un Avocat généraliste en intervenant pour des contentieux très variés, notamment le droit des personnes, le droit des baux ou le droit social, en particulier le contentieux du licenciement.